Lille: un ancien inspecteur des impôts condamné pour corruption
10/10/2022
Le tribunal correctionnel de Lille a sanctionné un conseiller fiscal et un inspecteur des impôts aujourd’hui retraité. L’ancien fonctionnaire est soupçonné d’avoir alimenté son interlocuteur en conseils et en informations utiles à son activité. L’affaire remonte à la période 2008-2012.
PARU DANS LA VOIX DU NORD, le 03/04/2022, par Lakhdar BELAID
En 2008, E. V., 64 ans aujourd’hui, est inspecteur des impôts. Sa mission consiste à mesurer les surfaces des biens et à établir (ou rectifier) le montant des taxes immobilières. Le fonctionnaire parcourt Lille, La Madeleine, Lambersart… « Une fois que j’avais mesuré, c’était acquis », annonce même le spécialiste au président, Jean-Marc Defossez.
P. S., un ancien restaurateur de bientôt 50 ans, a, lui, investi une niche visiblement longtemps juteuse. Celle de la contestation du montant de cette fiscalité. Il fonde son cabinet de conseil fiscal.
Zèle étrange
Le principe est élémentaire. Si P. S. parvient à obtenir des dégrèvements, ses clients lui verseront un pourcentage de la ristourne obtenue. Sinon, rien. L’entrepreneur fréquente alors assidûment les locaux des services fiscaux. Ses relations, entre 2008 et 2012, avec un inspecteur finiront par émouvoir la direction des finances publiques et… la justice. À quoi peuvent bien ressembler des liens entre un prestataire de services privés spécialisé dans l’optimisation fiscale et un agent public en charge des abattements désirés ? « Pour P. S., les affaires marchaient bien grâce à cette entente ? », interroge le président. Poursuivant : « Quand l’enquête interne est déclenchée, l’activité chute. »
« Elle est fluctuante, réagit aussitôt le prestataire. Après la réforme fiscale de 2017, tout s’est effondré. » Des piles de documents officiels seront découvertes chez lui. E. V. riposte en assurant avoir uniquement voulu « rendre service ». Surtout, il n’a remis « que des documents publics ». E. V. est accusé d’avoir « conseillé », « aidé ». Et les contestations de taxation ? « La gestion d’un dossier prend de trois à six mois, assène le procureur Camille Marquis. Avec E. V., c’est beaucoup plus rapide... ».
L’agent a reçu des bouteilles de vin. Il a été invité au restaurant, « pour évoquer des dossiers ». « Beaucoup d’argent liquide circule, poursuit le président. Il n’y avait pas de traitement particulier en faveur de P. S. ? » « Pas du tout », assure E. V., retranché derrière la relation strictement professionnelle. Le dossier est très épais. Il pointe un zèle étrange du fonctionnaire, suspendu en 2013 jusqu’à la retraite, à l’égard de certains contribuables. « Manger au restaurant, ça n’est pas de la corruption, tentera l’avocate Blandine Lejeune. Vous avez le droit d’avoir des informations sur l’immeuble de votre voisin. »
Le tribunal condamnera tout de même les deux hommes pour corruption active et passive. Dix-huit mois de prison avec sursis et des amendes de 30 000 et 10 000 €.