Les juges ont su faire le tri entre la plaisanterie et le harcèlement
12/07/2022
A Béthune, un policier a été condamné à de la prison avec sursis pour harcèlement sexuel envers deux collègues.
ARTICLE PARU DANS L'HUMANITE, le 30/07/2018, par Kareen JANSELME
«C’est un soulagement énorme », reconnaît dans un soupir cette victime découvrant la condamnation de son harceleur sexuel.
Ce verdict l’a enfin délivrée : 4 mois de prison avec sursis pour un collègue gardien de la paix dont les blagues salaces, les propos humiliants, un MMS obscène l’avaient conduite au burnout. Comme une autre consoeur.
Depuis, leurs maladies ont été reconnues imputables au service.
Mais comme rarement dans ce genre d’affaire, où seules 5 % des plaintes sont poursuivies, ces femmes ont pu raconter leur détresse et affronter leur harceleur devant une cour de justice.
Certes, la peine prononcée ne représente que la moitié de celle requise par la procureure à Béthune, le 5 juillet dernier (voir notre édition du 9 juillet), et les dommages et intérêts, eux aussi revus à la baisse, ne feront pas oublier l’isolement, l’effondrement, la tentative de suicide.
Mais cela reste une victoire.
Une procédure disciplinaire est en cours
« Nous sommes contents car nous voulions une reconnaissance de la culpabilité, explique Me Blandine Lejeune. On les a crues, elles. Le tribunal a fait le tri entre ce qui pouvait être de l’ordre de la plaisanterie et de l’ordre du harcèlement sexuel. Quant au quantum de la peine, ça regarde le parquet et les juges, mais ce n’est pas une petite peine non plus. Ils n’ont pas pris les choses à la légère. Une peine de prison avec sursis, c’est signifier à cet homme qu’en cas de récidive il risque de la prison ferme. »
Lors des réquisitions, la procureure n’avait pas demandé d’interdiction professionnelle pour cet agent de police. Sa condamnation sera exclue du bulletin numéro 2 de son casier judiciaire, et ne nuira donc pas à sa progression de carrière. Pour autant, une procédure disciplinaire est en cours, dépendant en partie de cette décision du tribunal correctionnel.
« Le verdict me convient, il est à la mesure de la réalité, assure l’avocate de la défense. Le harcèlement a été reconnu mais remis dans un contexte réel. Il est normal de dire à cet homme qu’il n’avait pas mesuré la réalité de l’impact de ses âneries.» Si Me Corinne Spébrouck reconnaît l’usage de « blagues pas fines, ras des pâquerettes », elle estime encore que l’affaire a été instrumentalisée par l’une des plaignantes, et que l’autre nourrissait « un fond dépressif ».
Pour autant, son client ne fera pas appel, assure-t-elle. Craindrait-il une aggravation de la sentence ? « S’il ne fait pas appel, reprend Me Lejeune, mes clientes se contenteront du verdict, même si elles n’ont pas obtenu de gros dommages et intérêts. L’argent ne les a jamais motivées, contrairement à ce que prétendait le prévenu pendant le procès. Ce n’était pas ça leur combat. Elles ont aussi agi pour toutes celles qui n’osent pas parler et qui subissent la dégradation de leurs conditions de travail : rappelons que ces deux femmes étaient en arrêt et c’est le médecin du travail qui a saisi initialement l’IGPN. »
La brigadière a déjà demandé sa réaffectation
Si la jeune agente de sécurité a décidé d’arrêter ce métier, la brigadière, elle, a déjà demandé sa réaffectation, mais dans un autre « bureau, sans stress, sans enjeu, pour repartir de zéro ». Elle espère juste ne pas attendre des années son inscription au tableau des avancements.
En janvier 2017, elle avait réussi l’examen de brigadier-chef. Puis il y a eu les arrêts de travail. Mais surtout, elle a porté plainte contre son administration pour ne pas l’avoir protégée. Une enquête interne de la police confirme le manquement grave de sa hiérarchie à la suite du harcèlement moral subi malgré ses signalements. Son combat n’est pas terminé.