Le tout frais ministre Éric Dupond-Moretti raconté par ses «bébés» lillois
12/07/2022
Le nouveau Garde des Sceaux a installé son premier cabinet d’avocatdans le Vieux Lille le 1er juin 1989. De nombreux talents y ont défilé. Certains évoquent aujourd’hui leur affection et leur reconnaissancepour ce « bourreau de travail ».
PARU DANS LA VOIX DU NORD, le 07/07/2020, par Lakhdar BELAID
Muriel Cuadrado n’aime pas l’expression : tueur de procédures. Avant d’hériter du surnom « Acquittator », Éric Dupond-Moretti aurait pourtant pu être qualifié de « procédure killer ». « Très tôt, il s’est attaché à la procédure pénale, salue Me Cuadrado. Il a été parmi les premiers à soulever des conclusions de nullité. » Traduction : avant même d’étudier le fond d’un dossier judiciaire, voir si la forme, cruciale en droit, a été respectée. Tout ou partie d’une affaire annulé(e), le client sera allégé d’autant. Hors-jeu la procédure… et les poursuites. « C’était très novateur à l’époque, rappelle Muriel Cuadrado. Et a marqué la pratique des avocats lillois. » En 1991, la jeune femme est si séduite qu’elle rejoint le Lillois une fois terminée l’école d’avocats à… Toulouse. Cette « expérience fabuleuse » prendra fin en 2000.
Blandine Lejeune, est la première collaboratrice de Dupond-Moretti à partir, de 1989 à 1992. Les souvenirs d’un cabinet rue de la Monnaie, « sous les combles, au-dessus d’une pâtisserie, les narines chatouillées par des odeurs de croissants »… « Certes, Éric a un côté un peu bulldozer, admet la pénaliste. Mais c’est largement compensé par ses facultés d’analyse. » Les angoisses des juges ? « Si les magistrats ont peur de lui, c’est qu’ils ont quelque chose à cacher, sourit la Lilloise. Quand « Dupond » semet en colère, c’est qu’il a une raison. » « S’agissant de l’état de la justice, il sait ce qui va bien et ce qui ne va pas, la rejoint Alice Cohen-Sabban, collaboratrice de 2001 à 2017. Éric n’est pas un statisticien. Il est un homme de terrain. » Toutes deux admirent « le bosseur, au cabinet dès cinq heures du matin », le « terrien de l’Avesnois, chasseur, pêcheur, généreux et très bon camarade ».
Zéro tiédeur
Aux côtés de Dupond-Moretti de 2000 à 2006, Julien Delarue répète volontiers une phrase de son mentor : « Les magistrats n’ont jamais eu peur de moi ! Ce sont les cons qui ont peur de moi ! » Avant de compléter sobrement : « Il n’envisage rien dans la tiédeur… » « L’audience est le pré carré d’un combat, module Blandine Lejeune. Il ne faut pas la confondre avec un ministère. » « Le nouveau Garde des Sceaux a envie de dépassionner le système, assure celle qui, avec Delarue et Dupond-Moretti, a traversé le séisme de l’affaire d’Outreau. Il va tenter de le réformerde l’intérieur… » « Éric n’a pas accepté ce poste par hasard, approuve Julien Delarue. Il a finalement convaincu jusqu’au plus haut niveau … »